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Nice Matin — Quel tram choisir ?

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Nice lui sourit. Et pas pour la première fois : le designer marseillais Ora-ïto connaît par cœur la capitale azuréenne. Lui qui y puise tel­lement de bons souvenirs … Une belle enfance, dans les collines niçoises, dans des espaces très ouverts … Nul doute qu’il y puise aussi une bonne dose de l’inspiration qui le guide dans son métier. Au moins sur ce projet de tramway, qui est allé chercher en lui ses racines profon­des. L’autodidacte doué, à la réus­site insolente, aux multiples récom­penses et projets, créateur du Mamo sur le toit terrasse de la Cité radieuse à Marseille, se dit extrê­mement heureux de travailler sur ce projet de tramway niçois. Il nous ex­plique pourquoi et comment il a œuvré sur le design de ce mode de transport qui fera partie intégrante de l’identité de la ville.

Ce projet a l’air de vous enthousiasmer…

C’était un rêve ! De travailler sur la mobilité, sur un tramway… Pour moi, c’est la première fois. C’est pratiquement inédit ! Par exemple, il n’y a pas encore en circulation de tram signé Philippe Starck… C’est une démarche encore rare.

Dessiner un tram, c’est facile ?

Tout est réfléchi en lien étroit avec les équipes d’Alstom, car il y a de sérieuses contraintes techniques, de sécurité… C’est très pointu, surtout que ce tram s’alimente par les rails. Ça se rapproche d’un travail sur du mobilier urbain… mais en plus mobile ! Là, on est loin de la conception d’un fauteuil, ou d’un flacon de parfum…

Comment avez-vous imaginé ces trois propositions ?

Je pars du contexte économique, artistique… On est à Nice, ville à l’identité forte, que je connais par cœur… Pour le projet La vie en bleu, il s’agit d’un hommage à Yves Klein. Nice est le berceau d’un des plus grands artistes mondiaux. Beaucoup ignorent que le mouvement des Nouveaux réalistes a été créé à Nice par Pierre Restany et Yves Klein. Un mouvement rejoint par des artistes comme Arman, César, Raymond Hains, Daniel Spoerri, Niki de Saint-Phalle… Pour ce projet, j’utilise deux des trois couleurs principales de Klein : l’or, et bien sûr, son bleu. L’or pour le feu, la lumière… et le bleu Klein qui est celui du ciel de Nice. Et comme un des grands rêves de Klein était de voir la vie en bleu… j’ai imaginé quatre vitres teintées, deux de chaques côté, à travers lesquelles les gens pourront s’ils le veulent, voir Nice en bleu. C’est un moyen de revenir à la poésie, mais aussi à l’histoire, notamment artistique, de la ville… Ce design-là me tient à cœur. Mais le choix appartient aux Niçois !

Les autres vous inspirent moins ?

Ocre est une version déclinée de la vie en bleu. Il a la même forme, mais avec cette fois un clin d’œil à la chaux colorée des façades niçoises, à l’italienne… Qui fait aussi l’identité singulière de la ville. Quand au projet Ruban, il s’agit d’une tout autre proposition de design, plus technique, un peu moins rétro que les deux autres. Plus technologique… sûrement moins sympathique. Il représente complètement le design de mobilité, très profilé. Alors que, pour les deux autres, j’ai tenté de m’en écarter. La vie en bleu, par exemple, est conçue comme une architecture mobile, plus que comme un train à grande vitesse. J’ai cassé la dynamique sur tous les wagons. Un tram, ça va lentement, on peut imaginer un design qui ne va pas impliquer de vitesse…

Nice, c’est un peu votre ville ?

Oui, je suis issu d’une famille niçoise depuis plusieurs générations ! J’ai grandi jusqu’à l’âge de 16 ans entre Marseille, Nice et le Var. Avant d’aller à Paris. Enfant, j’allais à l’école de la Lanterne… Plus tard, j’ai fréquenté l’école américaine International School de Nice. Je jouais au tennis au Parc Impérial… J’ai pris ma première cuite dans le Vieux-Nice, dans les bars à tapas dont on ne ressortait jamais très frais ! On allait au Wayne’s… J’avais une grand-mère au Mont-Boron, une autre à Cimiez. Et mes cousins à Fabron, avec lesquels on dégringolait les pentes dans un kart tout-terrain…

À travers le tram, c’est un peu Nice que vous redessinez ?

Oui, je suis très fier.  Ça va bien au delà d’un simple projet… Beaucoup de membres de ma famille habitent encore ici… J’ai un véritable attachement à l’identité de cette ville. Le bleu, les galets, les façades rouges, ocre, les trompe l’œil à l’italienne… Comme mon onde, Yves Bayard, architecte qui a conçu le Mamac, comme ma tante, Jacqueline Morabito, grande décoratrice, je participe à l’identité niçoise… Je n’y suis pas né, mais c’est tout comme !

Il n’y a plus qu’à attendre le choix des Niçois…

Il y a encore beaucoup de travail de mise au point. Notamment en matière d’aménagement intérieur. Mais, selon le projet choisi, ça ira même au-delà ! On sent une volonté de la Ville d’aller plus loin dans sa métamorphose. Quand on a passé son enfance ici et qu’on revient, c’est fou de constater à quel point elle a évolué ! Pour moi, c’est un projet magique.

Propos receuillis par Yann Delanoë pour Nice-Matin