Harmonie Céleste
Par Nicolas Salomon
Numéro Homme 48
En s’inspirant d’un phénomène astral, Ora-ïto, le designer autodidacte et touche-à-tout, propose une version revisitée de la Patrimony de Vacheron Constantin, qui connaîtra sans doute un succès stratosphérique.
Depuis cinq ans, Vacheron Constantin confie à des personnalités le soin de réinterpréter ses modèles phares. Pour la plus ancienne manufacture horlogère au monde, forte de deux cent soixante-neuf ans d’histoire, la stratégie s’avère payante : elle approche aujourd’hui le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le lancement de la version actualisée de la 222 a fait grand bruit il y a deux ans, et rencontré un succès foudroyant malgré un prix avoisinant les 80 000 euros. Pour sa part, le designer français Ora-ïto, invité dans le club très exclusif de Vacheron Constantin, a jeté son dévolu sur la discrète Patrimony.
“Au premier abord, j’étais un peu embêté par ses proportions parfaites et sa pureté. Je ne savais pas trop comment l’aborder. J’ai commencé par faire fausse route, en m’engageant sur des pistes de cadran sombre, ou des boîtes noircies façon années 80, avec des contrastes à la Braun, très germaniques. Cela ne fonctionnait pas.” En réfléchissant à l’identité même de la manufacture, le designer se penche sur la notion d’éternité d’une part, et sur l’astronomie d’autre part – des thèmes classiques en matière d’horlogerie. Personne, jusqu’ici, ne s’était en revanche intéressé aux grains de Baily, phénomène optique causé par les irrégularités de la surface lunaire et observé durant une éclipse solaire totale, décrits pour la première fois par l’astronome Francis Baily en 1836. “Je suis tombé surun cliché du photographe Yu Jun, pris à Luwuk, en Indonésie, lors de l’éclipse du 9 mars 2016. J’ai tout de suite connecté cette image avec le guillochage des cadrans cher aux artisans.” De fait, les cercles concentriques du cadran de la Patrimony, ton sur ton, laissent la lumière s’engouffrer dans le sillon pour en ressortir l’instant d’après.
Ce dessin relève d’un concept qu’Ora ïto nomme “simplexité”, un équilibre entre complexité et simplicité. Le cadran intemporel, parfait pour Vacheron Constantin, est rehaussé par un bracelet piqué de petits pads rectangulaires aux accents seventies et pop, typiques de la créativité d’Ora-ïto, dont on connaît l’art du détournement :
“Ce bracelet évoque aussi bien 2001 : l’Odyssée de l’espace que Moonraker.”