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TECHNIKART — Ora-ïto, designer chromé

Presse

Par Laurence Rémila

Cette année 2020 sera-t-elle celle des nouvelles mobilités ? On pense bien sûr au Covid-19, mais aussi à la montée de l’écologie, à la désaffection des transports en commun…

Ora-ïto : Il ne pouvait pas y avoir meilleur contexte pour lancer un vélo ! Tout le monde se dit que c’est le meilleur moyen de locomotion dans cette période un peu bizarre mais également par rapport à la direction que prend Paris depuis plusieurs années. D’ailleurs, j’espère que la ville va continuer dans ce sens – voire que ça devienne plus radical.

Tu es contre l’automobile ?

Je suis un peu égoïste parce que je n’ai pas de bagnole. Et avec le confinement, c’était incroyable d’avoir ce calme dans Paris. Dès que ça a été fini, il y a une espèce d’agressivité qui est arrivée direct!

En ce moment, le vélo Angell que tu as désigné cartonne.

Oui, mais c’est Marc Simoncini qui est à l’initiative du projet. Il m’a appelé pour me demander si ça me branchait de « designer le plus beau vélo du monde ». Le mec te met déjà une pression !J’ai dû me mettre au vélo pour bien comprendre ce que je pouvais faire. C’est comme pour un bateau, il faut connaître un peu.

Et tes premières impressions ?

Je me suis tout de suite dit qu’il fallait qu’il soit léger, parce que finalement le problème d’un vélo électrique, c’est son poids.

Le vôtre pèse moins de 14kg.

Et l’esthétique est belle ! Là où je me suis éclaté, c’est sur le cockpit qui est du 100% Ora-ïto ! Ensuite, il fallait essayer de diminuer la matière le plus possible pour arriver au vélo électrique le plus léger au monde. À l’heure d’aujourd’hui, on doit avoir le record. Quant au cockpit, avec le guidon et l’écran, l’idée était de créer… un vaisseau spatial. Sans oublier les parties en carbone, les autres en aluminium, le châssis avec son parallélisme… Il y a eu une certaine simplicité dans la construction de ce vélo.

Pour l’alléger, tu as fait comment ?

J’ai essayé de diminuer tout ce qui pouvait l’être. On a extériorisé la batterie, l’utilisateur a une borne de recharge chez lui, c’est plus pratique. 

Pour Angell, c’est quoi la suite ?

C’est le vélo féminin avec une barre qui va être beaucoup plus basse, de manière à pouvoir mettre une jupe.

Ce premier vélo vous a pris combien de temps ?

Ça a été très rapide, entre un an et demi et deux ans.

Et ils sont fabriqués en France ?

Oui, par le groupe SEB, notre nouvel actionnaire et partenaire industriel exclusif, dans leur usine d’Is-sur-Tille (Côte d’Or).

Donc toutes ces pré-commandes pourront être honorées cet été.

On en est déjà à plus de 3000 commandes, un énorme démarrage ! On ne s’attendait pas à avoir un tel succès.

Travailler sur ces problématiques de mobilité, c’était nouveau pour toi ?

D’abord, je suis hyper fier ! La mobilité est un secteur un peu oublié par les designers. Il n’y a pas de grandes signatures sur des vélos, des voitures, des trains…

En 2002, tu as démarré en désignant une bouteille chromé pour Heineken…

Mais avant ça, il y avait eu le « hacking » des marques de luxe. Je créais – virtuellement – des objets Chanel, etc. sans qu’ils ne m’aient rien demandé. D’ailleurs, tous ces objets numériques sont depuis entrés au centre Pompidou et au Musée des artsdécoratifs. C’était au tout début d’Internet, je ne savais même pas que j’allais être designer, je donnais simplement ma vision de ces marques, mais sous le prisme de la modernité et de 1ère digitale. 

Et Heineken t’a repéré.

La marque recherchait exactement ce que j’avais montré avec ces objets virtuels. Ils voulaient que je reprenne leur bouteille classique et que je la transpose dans le futur. A l’époque, ça avait pas mal marché. C’était la première bouteille en aluminium, ça a été ensuite repris par tout le monde…

Dernièrement, tu as remporté l’appel d’offres pour le métro de Marseille avec Alstom ?

Là, on est en train de préparer la fabrication, de finaliser les plans par rapport à toutes les contraintes de durée dans le temps, de performance, de nettoyage… Il y a tout un cahier des charges à respecter. Mais, il me sert d’inspiration. En fait, je pense que si je n’avais pas un lieu contextuel fort ou une marque avec uneidentité forte qui me donnent des contraintes, je ferais toujours la même chose : un rectangle avec des bouts arrondis !

Que conseillerais-tu pour le métro parisien ?

Dans un monde idéal, on serait en téléphérique comme à Grenoble ! Ce ne serait pas mal : on survolerait Paris. Pourquoi pas des petites capsules très belles avec des câbles très fins… Après, pour le métro, je n’aime pas trop être sous terre – donc je préconiserais quelque chose de moins enterré…

Les courbes et les couleurs qui reviennent souvent chez toi sont rétro-futuristes. Le terme te convient ?

Je préfère : rationnel-organique. J’aime lier les éléments. Je dirais que le démarrage de tout travail est d’essayer d’avoir une seule idée pour commencer. Si celle-ci est assez forte, tout fonctionnera. D’ailleurs, quand je mets du temps à faire un projet, c’est que je n’ai pas encore trouvé la bonne idée et que je vais perdre du temps… Donc je le mets de côté et j’attends que ça vienne.

Et ces couleurs ? Je les trouve élégantes.

Elles ont ce côté luxueux et moderne sans tous les chichis un peu kitch.

Et comment imagines-tu les rues des grandes villes en 2025 ?

Beaucoup, beaucoup, plus fleuries, avec du mobilier urbain avant-gardiste, et des mes dégagées au maximum pour laisser libre court à une mobilité plus légère, moins polluante, plus écologique, plus silencieuse. Il faut être radical dans ce que l’on va faire.