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Le Monde — Ora-ïto et Buren inventent l’hôtel pour “bandes organisées”

Presse

  • Photo © Sébastien Veronese
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Serti de la tour Eiffel, du centre commercial Beaugrenelle et de la Seine, le nouvel hôtel parisien signé Ora-ïto est immanquable grâce à ses zébrures bleues et noires. « L’Hôtel Yooma sera la seconde œuvre pérenne de Daniel Buren dans Paris, après les colonnes du Palais Royal qui datent de 1985 ! », se félicite le designer qui dit avoir fait de « l’art-chitecture, pensé en amont, à deux », avec son ami Buren, l’artiste aux 79 printemps.

Ora-ïto et Buren sont inséparables depuis que le premier, créateur du MAMO – musée à ciel ouvert sur le toit de la Cité Radieuse, à Marseille – y a exposé le second, en 2014. Et s’ils ont choisi pour cet édifice le bleu, c’est pour mieux rivaliser avec les immeubles voisins, une tour verte et un bâtiment orange (signé de Jean Prouvé), typique du paysage d’aluminium et de béton né, fin 1970, sur la dalle Beaugrenelle.

Sur le toit fleurissent 900 m² de cultures maraîchères, la superficie la plus grande à ce jour dans la capitale.

« Je me suis inspiré du plan des lignes de RER imaginé par Roger Tallon, avec chacune une couleur primaire qui permet de se repérer », précise Ora-ïto, le trublion du design qui fête, cette année, ses 40 ans.

Les bandes iconiques tracées par Daniel Buren à l’extérieur se prolongent à l’intérieur, sur les murs de certains couloirs et de quelques chambres. Les rondeurs de la carapace d’aluminium qui galbe l’édifice, au-dehors, font écho aux courbes de métal du long bar, au-dedans. « Je suis intervenu dans la reconstruction de cet ancien bâtiment-bureau tel un acupuncteur, explique Ora-ïto, en rééquilibrant les masses sans perturber ce paysage cinégénique, où Wim Wenders ou Michel Gondry ont tourné. »

L’idée de confier l’ensemble du chantier à deux stars, dont un seul designer pour l’extérieur et l’intérieur – chose rare, aujourd’hui – revient à Pierre Beckerich, président d’Euragone Investment Management, qui a initié et porté le projet Yooma. « Je n’aurais pas obtenu une telle harmonie si je n’avais pas donné les clefs du projet à Ora-ïto », explique-t-il. « Les plus grandes réussites architecturales – la maison de verre de Pierre Chareau en 1928 ou la cantine psychédélique de Verner Panton pour Die Spiegel en 1969… – n’ont-elles pas été faites d’une seule main ? »

Passé le lobby entièrement vitré, ses piliers rayés de blanc et noir (Buren encore) et son mur d’images vidéo, le restaurant frappe les esprits avec son méli-mélo de chaises design (Thonet, Fermob, Knoll, Tolix, Hartô…), façon musée contemporain du siège. Sur le toit, fleurissent 900 m² de cultures maraîchères, la superficie la plus grande à ce jour dans la capitale. Dans les chambres, les lits doubles sont flanqués de petits lits superposés, cachés derrière des parois coulissantes de couleurs pop, qui rappellent la célèbre bibliothèque de Charlotte Perriand. Ora-ïto a multiplié les astuces, pour y loger jusqu’à six personnes.

Car c’est l’autre originalité de cet hôtel que d’accueillir, dans le centre de Paris, « les city breakers – ces 18-35 ans qui partent en bandes d’amis pour de courts séjours – ou les familles qui, faute de solutions, se tournent vers les logements Airbnb », précise Pierre Beckerich. D’où tout un « éco-système » : hébergement simple, mais avec « le même matelas qu’au Plaza Athénée », belle vue, sauna, salle de sport, carte gourmande et cave à vins aux 800 bouteilles de 80 vignerons différents…

« Cette clientèle veut économiser sur les dépenses subies, mais pas sur les dépenses d’agrément. Alors, pour 90 euros la nuitée pour 2 personnes, 140 euros pour 4 et 190 euros pour six, le prix est modeste par rapport à l’univers que l’on propose », calcule l’homme d’affaires. Avec sa résidence intégrée pour artistes, ses cours de cuisine ou d’éveil à l’agriculture urbaine, le Yooma – inspiré du mot anglais « Humanity », incarnant des valeurs d’accueil – inaugure un nouveau genre d’hôtels, plus chaleureux.

Par Véronique Lorelle