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L’OFFICIEL — Découvrez Modulor, la première collection d’Ora Ito pour Eric Bompard

Presse

Par Thibault Mortier

Rencontre au sommet au MAMO, le centre d’art créé par Ora-ïto sur le toit de la Cité Radieuse à Marseille. Carolyn Randolfi la directrice artistique de la Maison Bompard nous présente en exclusivité MODULOR, la toute première collection de cachemire du designer soulignant la silhouette parfaite de Thylane Blondeau.

L’OFFICIEL: Ito, c’est la première fois que tu collabores avec une Maison de mode. Qu’est-ce qui t’a plu chez Bompard ?

ORA ITO: En effet, c’est la première fois. J’ai résisté pendant de longues années avant de me saisir de la mode. Je ne voyais pas vraiment le rapport entre mon métier de designer, des objets intemporels, qui ont une forme de pérennité et le côté éphémère, forcément, la mode. Je me suis toujours méfié de la mode, alors je m’en suis tenu à l’écart. Mais je dois dire que ce qui m’a plu d’emblée avec Bompard, c’est l’idée de partir de la matière. Cela m’a tout de suite inspiré. J’aime la noblesse du cachemire, qui est une matière première exceptionnelle, rare. Et il y a longtemps que je portais déjà des basiques de chez Bompard. Quand je conçois un objet, en réalité, ma réflexion part toujours de la matière. Je cherche à l’explorer, à l’exploiter, à la pousser au maximum de ce qu’elle peut donner, à approfondir son traitement, afin qu’elle livre quelque chose d’inédit, de nouveau. Au lieu du béton ou du bois ou encore du métal, cette fois-ci je suis parti du cachemire de la Maison Bompard parce qu’ils ont une forte légitimité dans cette matière. J’apprécie de travailler avec des marques qui ont une histoire, des racines, une expertise, qui possèdent des savoir-faire. Ce partenariat réunissait les trois éléments qui, pour moi, sont importants. Pour faire cette collection, je me suis aussi inspiré des courbes du corps. Je suis parti de l’anatomie pour dessiner ces vêtements, ces accessoires, afin qu’ils se portent facilement. Notamment la robe qui se passe comme on enfle un gant, très près du corps. Il y a un vrai dialogue qui s’opère entre le cachemire et le corps. Cela a été notre approche et nous a permis d’explorer au maximum les possibilités techniques du cachemire et de la maille. Et cela m’a beaucoup plu.

L’O: Tu as travaillé avec la directrice de la création de Bompard, Carolyn Randolfi, comment s’est noué ce partenariat?

OI: Avec Carolyn, au démarrage, nous étions tous les deux un peu sur nos gardes. Il nous a fallu nous apprivoiser, mieux faire connaissance, confronter nos idées, nos univers. Un jour, j’ai vu les nouvelles collections Bompard qu’elle dessinait, et j’ai eu un déclic. J’ai découvert les possibilités presque infinies de la maille et les différentes techniques de tricotage, et cela m’a motivé à pousser le curseur. Carolyn et son équipe m’ont montré ce qu’on pouvait faire, ils m’ont ouvert la voie de la maille et m’ont vraiment aidé. Moi j’ai poussé, poussé et repoussé encore les limites. Et comme je suis très soucieux du détail et un perfectionniste, je n’ai jamais rien lâché. Et puis, au fur et à mesure lorsque j’ai constaté les capacités de Bompard et de l’équipe du style et de la production à résoudre des problèmes, je me suis senti en confiance et nous avons pu avancer vraiment. A chaque fois que je suggérais quelque chose, Carolyn parvenait à retranscrire ce que j’avais en tête, ce que j’avais dessiné et ce que je souhaitais faire. Ce ping-pong a été très intéressant. Moi je les ai motivés à se surpasser, à mettre en avant leurs qualités, leur façon d’exécuter les détails. Notamment dans les intarsia, cette maille très travaillée, presque biomorphique, qui épouse parfaitement les formes du corps, qui en suit les courbes. Et ça, c’est remarquable. J’ai été étonné de voir jusqu’où on pouvait aller. Ainsi nous avons abouti à une collection très forte. Ce ne sont pas juste des couleurs sur un pull ou de la maille avec un motif graphique. La ligne est en accord avec mon design, elle en est un prolongement qui est de l’ordre de l’architecture. Elle incarne en quelque sorte une architecture du corps. Et cette idée me plaît énormément. Quand je vois une femme porter cette collection, j’ai presque l’impression de voir mes formes évoluer dans l’espace. Il ne s’agit pas d’un objet, bien sûr, mais j’ai quand même l’impression de voir passer mes objets portés qui évoluent librement.

L’O: Oui, on retrouve tes lignes graphiques, architecturales, très organiques. Quelle en est la signification ou l’influence ?

OI: J’ai toujours été un grand fan de Star Trek, de Star Wars, ou de films comme de 2001 l’Odyssée de l’espace ou Cosmos 99. Pour cette collection, je souhaitais retranscrire toutes ces influences futuristes qui me bercent depuis mon enfance. Tout de suite s’est imposée l’idée d’un vaisseau spatial, comme si cette ligne habillait des humains venus du monde de demain. Cette traduction de mon univers est un véritable acte créatif. Je ne pouvais pas faire mes débuts de designer de mode avec une collection quelconque. Il fallait absolument qu’elle symbolise avec force, puissance, une forme d’expression de mon style. Qui se traduit par des vêtements en cachemire. C’est aussi pour cela qu’on y retrouve toutes les influences qui caractérisent l’ensemble de mon travail dans le design ou l’architecture. Pour autant, il ne s’agit pas d’un retour en arrière, ce n’est pas la nostalgie rétro-futuriste. Je vois cette collection comme un prolongement de tout ce que j’ai fait avant. C’est très important pour moi de commencer par ce geste avant d’évoluer vers autre chose, vers quelque chose de différent. Mais il fallait que cette première collection soit vraiment impactante.

L’O: Carolyn, quels sont les fils qu’on peut tirer entre le travail du designer, de l’architecte et votre propre travail de Directrice Artistique ?

CAROLYN RANDOLFI: Comme je le dis souvent, les meilleurs stylistes ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Les architectes, designers, les artistes, ont une vision du monde esthétique et sont parfois des stylistes qui s’ignorent. Ils arrivent avec des idées complètement inattendues et des points de vue qui sont différents des nôtres, parce qu’ils ne sont pas noyés par le quotidien. C’est le cas d’Ora Ito qui est quelqu’un d’éminemment créatif et hyper rafraîchissant. J’ai trouvé très intéressant d’entrer dans son univers au fur et à mesure du développement du processus de conception collection. Effectivement, on est allés de l’avant, très vite, puis nous sommes repartis en arrière, puis nous avons accéléré à nouveau. Nous avons tâtonné, cherché et beaucoup échangé d’idées. Pour Ito c’était important que ce projet soit en cohérence avec son univers global. Il nous a testé aussi en nous soumettant pendant plus d’un an à des challenges incroyables. Il nous a demandé des choses qui, d’ordinaire, ne sont pas possibles dans la maille. Et je m’y connais. Ito voulait faire quelque chose de fort. Et de simple en même temps. Ou ne rien faire. Et franchement, c’est la chose la plus difficile au monde. Mais nous avons relevé le défet je trouve que c’est vraiment réussi. J’adore la courbe qu’il a reprise sur les manches et sur la robe qui se porte très près du corps. On la retrouve dans son travail qui infuse ainsi dans les pulls. Ce n’est pas juste un motif imprimé. Ito était très engagé dans cette collaboration, ça fait très plaisir. Nous y avons tous les deux mis beaucoup de passion et d’investissement. Bien sûr, toute l’équipe qui a travaillé avec nous aussi, parce qu’on ne fait jamais rien de tout cela seul. Donc, je les remercie aussi.

L’O: Ito, de quoi es-tu le plus fier et heureux en voyant ce projet aboutir aujourd’hui?

OI: Il est toujours assez incroyable d’imaginer des produits, des objets, de les penser, de les travailler et de les voir naître. Comme dans le design, la mode est un véritable travail d’équipe. On y retrouve la même organisation complexe, avec les mêmes intervenants : un atelier, une usine, des stylistes, des designers, des prototypistes. Finalement j’ai retrouvé un peu les mêmes étapes que celles que je vis au jour le jour dans mon métier de designer. On passe par une phase de dessin, de protos, de mises au point, par des réunions où on va tout regarder dans les moindres détails. La différence avec la mode c’est qu’on effectue des tests au porter, pour voir comment le vêtement se comporte en mouvement. Ça, c’était quelque chose que je n’avais jamais fait. C’est à dire que tout ce que je dessine est statique, à part un lieu qui peut évoluer. Le maximum de mouvement que je peux rencontrer d’ordinaire dans mon travail, c’est un rideau qui prend un coup de vent. Avec Bompard, on est dans le mouvement perpétuel. Il a fallu s’adapter au corps, à plusieurs types de morphologies aussi. Puis donner à l’ensemble une unité comme ça, universelle, qui fonctionne. Ce qui me rend vraiment heureux aujourd’hui, c’est de voir que tout ce qu’on a imaginé il y a quelques mois seulement, existe, est porté, et va se retrouver dans les vitrines des boutiques et dans les pages des magazines ou sur les réseaux sociaux. Cette collection va avoir une vie. Pour moi, cette idée est quelque chose d’assez fou parce que mes objets sont souvent inanimés. Bien sûr, j’ai déjà conçu plusieurs objets de mobilité comme des métros, des tramways, ou un vélo, mais là, il est question d’objets portés qui vont évoluer partout. On va retrouver ces pièces dans l’espace urbain, dans une soirée, un dîner, ou tout simplement dans la rue en bas de chez soi. Et c’est très nouveau pour moi de voir mes pièces vivre autant. J’en suis très fier et cela me donne déjà envie de poursuivre ce travail et d’en réaliser d’autres.

L’O: Une des pièces maîtresses que vous avez créées avec Bompard, c’est une robe. Comment on aborde la question d’une robe quand on n’est pas forcément designer de mode ?

OI: Le design, c’est la recherche d’un équilibre. On essaie d’avoir de belles proportions, de trouver une forme juste, de ne pas en mettre trop ou pas assez, de chercher les bonnes couleurs. Mon objectif avec cette robe est de mettre les femmes en valeur. Cette dimension du projet est très importante. D’ailleurs, le choix de Thylane Blondeau s’est imposé immédiatement. C’était comme une évidence. Je trouve qu’elle incarne parfaitement ce que j’ai souhaité refléter dans cette collection, à savoir la modernité. Elle est devenue une sorte de muse telle une beauté venue de l’espace. Je suis très heureux qu’elle ait pu participer à ce projet. Cela ne m’a pas empêché de stresser jusqu’au bout. Je n’en ai pas dormi de la nuit. C’est un travail très précis qui demande beaucoup de justesse. Il n’est jamais simple de faire simple. Les choses les plus simples sont les plus compliquées, ce que j’appelle la simplexité, qui est un peu ce mot qui me suit depuis maintenant 25 ans. Là, c’est vraiment l’expression même de la simplexité.

L’O: Nous sommes à la Cité Radieuse, au Centre d’Art le MAMO pour le shooting de la campagne. Peux-tu nous expliquer le lien que tu fais entre l’architecture de Le Corbusier et ta nouvelle collection Bompard ?

OI: Cette collection m’a été inspirée par le corps des femmes et les proportions de l’architecture de Le Corbusier, telles qu’on les retrouve dans le Modulor. Le beige de la maille c’est le béton du MAMO, le jeu des couleurs est une reprise de celles de la Cité Radieuse. L’histoire que j’ai voulu raconter se déroule dans le futur, comme si la Cité Radieuse était un vaisseau spatial et que tout son équipage débarquait en tenue kubrickienne. On retrouve également les lignes fluides caractéristiques des dessins de Le Corbusier sur la terrasse. Il y avait aussi et surtout au départ cette envie de faire les choses dans mon environnement, dans mon univers. Le MAMO est un lieu que j’aime profondément qui me ressemble, qui m’inspire. Il ne ment pas et cette collection non plus. La démarche qui l’a précédée est très authentique, très juste. Il me semble que nous avons trouvé le bon équilibre, et cela est venu très naturellement. Ce shooting me confirme que c’était une bonne idée.

L’O: Carolyn, alors c’est comment de travailler avec Ora Ito ?

CR: J’ai été portée par son enthousiasme pour nos produits. Qui était authentique et très naturel. Depuis des années, il porte des intemporels qui existent depuis super longtemps dans nos collections. Il les met tous les jours et avait déjà réfléchi à ce qu’il rêverait de porter. Cette envie ne l’a jamais quitté. Ito possède une énergie incroyable, il est dans un bouillonnement créatif, avec une idée qui pousse l’autre. Il faut suivre ! Parfois quand on est soi-même un créatif, comme c’est mon cas, et quand on travaille avec un artiste, chacun défend ses idées. D’autres fois on rencontre des limites techniques. Mais Ito nous a encouragé à pousser encore plus loin le curseur et à repousser les frontières du possible. Grâce à lui nous avons trouvé des choses très intéressantes. Je suis absolument ravie de cette rencontre et de ce qu’elle a donné. Même les moments difficiles sont aujourd’hui de bons souvenirs : malgré quelques petites complications de parcours obligatoires, ça s’est toujours très bien passé.

L’O: Et Ito, alors c’est comment de travailler avec Carolyn?

OI: Merci. Vous pouvez constater par vous-même qu’il s’agit bien plus que d’une simple collaboration, d’un vrai mariage. C’est le mot qui résume je crois le mieux notre état d’esprit à tous. Tout au long du process, il y a eu une entente presque parfaite. Bien sûr il y a eu des désaccords, des moments moins faciles, mais c’est indispensable au processus créatif. Ce n’est jamais un long fleuve tranquille. La création est un chemin semé d’embûches. Après, je n’ai pas vraiment perçu de différence entre son métier et le mien. C’est vraiment un processus assez similaire. Bien sûr il y a quelques ingrédients nouveaux que j’ai dû intégrer dans mon système, dans ma manière de travailler. Mais en réalité je n’arrive pas par hasard dans le monde de la mode et finalement je me demande pourquoi j’ai attendu aussi longtemps. Quand j’avais 19 ans, j’avais déjà créé un sac Vuitton et une paire de souliers Roger Vivier virtuels qui ont eu leur petit succès. En même temps, je m’aperçois avec le temps que « Tout vient à point qui sait attendre », comme le dit la fable. C’est peut-être le début de la sagesse, qui sait. En tout cas une certaine forme de maturité. C’est certain. Je le constate de plus en plus. Et cela me permet de ne rien regretter. Je vais de l’avant.

PHOTOGRAPHIE: Pierre-Ange Carlotti

DIRECTRICE ARTISTIQUE: Carolyn Randolfi

MODÈLE: Thylane Blondeau

TALENT/DA: Ora ïto

STYLISME: Jennifer Eymère

ASSISTANT PHOTOGRAPHIE: Aline Blocman, Mohammed Ali Ghouayel

ASSISTANT STYLISME: Kenzia Bengel De Vaulx

MAQUILLAGE & COIFFURE: Émilie Green, Anabelle Cassan

EXECUTIVE PRODUCER: Romain-David Cartagena

PRODUCTION COORDINATOR: Morgan Cartagena

PRODUCTION: Anais Derambure