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La Tribune / Attitudes n°111 — Rencontre à thèmes avec Ora ïto

Presse

MOBILITY, PREMIÈRE COLLECTION

ORA ITO : Cette collection, c’est le démarrage de la marque Ora ïto ;  une marque transversale, à l’image du design ; avec sa propre identité, ses propres packagings, sa propre communication, son style. Depuis un an et demi, je suis sur un chantier titanesque car je suis un grand perfectionniste. Je veux que tout soit en accord… Ça prend du temps. Avec Mobility, nous posons les fondations de la marque Ora ïto autour d’objets liés à la mobilité. Nous sommes dans un écosystème de produits qui pourraient tous être en connexion les uns aux autres. On peut d’ores et déjà imaginer une chaise ou une table avec lesquelles on puisse se connecter et recharger nos téléphones et tablettes. Je souhaitais travailler sur des objets qui font partie de mon époque ; avoir une légitimité dans le temps. Je voulais une vraie liaison avec ma génération.

DES OBJETS CONNECTÉS EN TISSU

C’est une envie que j’avais depuis longtemps. J’avais déjà contacté Kvadrat (fabricant de tissu d’ameublement avec lequel Ora ïto a collaboré pour la collection Mobility, ndlr) il y a cinq ans ; et à l’époque, c’était totalement inédit d’imaginer des objets électroniques en tissu. Je voulais sortir de cette esthétique de l’électronique qui ressemble à de l’électroménager, qui est “surdessinée”. J’avais envie de simplicité et d’objets qui s’intègrent à notre environnement : des casques que l’on pose sur une chaise, une étagère, un bureau, un lit… que l’on porte sur soi comme de vrais accessoires qui s’accordent à notre propre style mais également à un style de vie. Je voulais retranscrire mon langage formel dans cet univers là.

LE SUCCÈS

Avec Mobility, nous avons eu une “sur-communication” par rapport à une marque qui était naissante. On peut même dire que nous avons fait une entrée fracassante car la collection a reçu 3 Red Dot et 3 If (Red Dot Award et If Design Award sont les plus grands prix de design internationaux, ndrl) ; tous les objets ont été primés que ce soit les casques, les enceintes, les protections. Evidemment j’en suis très heureux, mais ce qui est intéressant en réalité, c’est d’être et de rester une marque outsider. Celle qui impulse. Et puis, nous sommes encore loin de la vision que j’en ai réellement.

« Avec Mobility, nous posons les fondations
de la marque Ora ïto. »

INNOVATION

L’époque est très compliquée. Tout va très vite. Trop vite aussi. Parfois j’ai l’impression que je n’aurai pas assez de temps pour faire tout ce que je veux faire. Avant, on pouvait vivre toute sa vie sur une bonne idée. Aujourd’hui une bonne idée, ça dure deux mois. La plupart du temps c’est stimulant. Je perçois en permanence les choses qui m’entourent et l’inspiration ne vient pas forcément de la modernité. Elle peut venir des vitraux d’une église du Moyen-Age, de la contrainte économique d’un projet ou d’un projet en lui-même, celui qui devient inspirant pour les autres. Mais quoi qu’il en soit, l’innovation c’est une réponse à une technologie évidente, à une problématique dont l’effort d’élaboration ne sera perçu à aucun moment dans l’objet. C’est ce que j’appelle la « simplexité ». C’est simple et complexe.

L’INSTINCT

J’avance par instinct, par passion et par envie. J’aime vivre l’intensité des opportunités que je peux rencontrer dans ma vie, les vivre pleinement ; sans parfois savoir où cela va m’amener. Et au final, je me rends compte que je vais dans une direction vers laquelle, de toute façon, il fallait que j’aille. Toutes ces rencontres et opportunités sont des chemins initiatiques. Aujourd’hui, grâce au MAMO (Marseille Modulor, centre d’art contemporain créé par Ora ïto à la Cité radieuse, ndlr), j’ai la chance de côtoyer de grands artistes, de pouvoir entrer dans leur univers, d’échanger avec eux. Tous les jours, j’en ressens les changements dans ma vie. Il y a une maturité qui s’instaure plus rapidement alors qu’elle a mis du temps à se mettre en place.

MARSEILLE

Le MAMO à Marseille, c’est d’abord un retour à l’architecte de mon enfance, Le Corbusier ; c’est lui qui m’a donné envie de faire ce métier. C’est aussi une ville que j’affectionne énormément. Le MAMO, c’est une ouverture vers un projet installé dans un lieu qui était très cloisonné et privé. En ouvrant le toit de la Cité Radieuse au public (le reste de l’immeuble signé Le Corbusier en 1954 est destiné à l’habitation privée, ndlr), je voulais une invitation au partage.  Je voulais réinventer une fonctionnalité et essayer de montrer que c’est ça qui est intéressant dans la modernité. Car quelque chose qui est figé n’a pas vraiment d’intérêt. Ce qui est essentiel, c’est de montrer comment quelque chose qui a été pensé il y a 60 ans évolue aujourd’hui et vit en accord avec notre époque et comment l’époque vient se rallier à ce bâtiment. Aujourd’hui, le lieu s’inscrit dans la ville et dans sa programmation culturelle. Il contribue aux changements que mène la ville, et je me réjouis qu’à notre petit niveau, le MAMO amène une pierre à cet édifice.

URBANITÉ

Je m’intéresse énormément à la ville, l’architecture, l’art, la technologie, l’écologie… tout cela peut amener le bonheur à tout le monde. Quand on voit la France, c’est sublimissime ! A Marseille, il existe un potentiel urbain dans lequel on peut s’exprimer. Bien plus qu’à Paris, même si je suis en train d’y construire un hôtel quai de Grenelle et que j’ai participé à d’autres implantations comme le cinéma Pathé, les Trois Quartiers La Madeleine… Mais Paris risque de devenir trop figé et de se reposer sur son patrimoine. Paris a besoin de se moderniser sinon la ville finira par ressembler au Mont Saint-Michel, qui malgré sa splendeur, reste un site patrimonial figé, traversé par des hordes de touristes. Alors bien sûr, il y a toujours la possibilité de s’exprimer mais ce n’est pas simple. Avec l’hôtel Odyssey (rue Hérold à Paris, ndlr) par exemple, j’ai essayé de répondre à la problématique inhérente à Paris : les petites surfaces. J’ai essayé d’optimiser au maximum une surface réduite pour qu’elle devienne agréable et vivante. En fait, le futur nous amène vers de petits espaces, en tous les cas en centre ville.

Texte © Valérie Abrial
La Tribune – Vendredi 5 Décembre 2014 – No 111 – www.latribune.fr